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LA MAISON RUSTIQUE.

Jadis n’enfantait point ces fruits délicieux
Que le moindre hameau partout offre à nos yeux.
L’Europe, deux mille ans, fut inculte et barbare.

 Le Gaulois, le Germain, le Scythe, le Tartare
Suivaient, au fond des bois, les obliques sentiers
Du char toujours roulant qui portait leurs foyers.
Les voyez-vous errer sous cette ombre éternelle ?
La proie, en les fuyant, les attire après elle,
Et l’arc atteint de loin, sous leur bras redouté,
Le sanglier féroce, ou l’uroch indompté.
De saison en saison leur marche recommence
Et partout se prolonge une forêt immense
Dont les nombreux détours les ramènent sans fin
Des mers du Scandinave aux rives de l’Euxin.
Ces vieux bois de la Gaule et de la Germanie
Ont laissé leurs débris à la sombre Hercinie ;
L’homme, en ces noirs déserts un moment égaré,
Coulait des jours sans gloire, et passait ignoré.
Là, pour tout monument, s’élevait d’âge en âge
Le grand chêne d’Hésus, qui sous le même ombrage
De nos premiers aïeux a couvert le berceau,
Et des fils de leurs fils couvrira le tombeau.

 Oh ! quel Dieu tout-à-coup sortant de son nuage
Viendra porter des lois à l’Europe sauvage ?
Quel nouveau Triptolême ou quel autre Osiris
De ces hommes grossiers soumettra les esprits ?
Voyez-vous arriver de ces rives lointaines
Un vaisseau que les vents ont poussé vers Athènes ?
Cécrops est descendu l’olivier dans les mains,