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LA MAISON RUSTIQUE.

Creuse, et tourne vingt fois, creuse et retourne encor
L’espace où de tes plants doit germer le trésor.
Détruis avec le fer, et le gazon rebelle
Qui sous la dent du chien toujours se renouvelle,
Et le rampant lichen qui croit de toutes parts,
Et le hideux chardon hérissé de ses dards.
Poursuis, et que la glèbe, en cent monceaux brisée,
À l’air qui la mûrit longtemps reste exposée ;
Qu’elle endure et décembre, et la glace et le nord ;
Aux germes malfaisants le froid donne la mort,
Et l’hiver rajeunit la campagne flétrie
Sous les nitres féconds dont la neige est pétrie.

 L’hiver fuit ; le terrain prend un aspect nouveau,
Partout il s’aplanit sous le même niveau,
Et de larges carrés en distances égales
Sont d’un sentier étroit coupés par intervalles.
Là croit le potager : sa parure est sans frais,
Et la propreté seule en fera les apprêts.
Apportez-moi ces grains, ces herbes, ces racines,
Aliment et trésor des chaumières voisins ;
Longtemps l’orgueil du vers a craint de les nommer,
Aujourd’hui je les chante et je veux les semer.
Oui : sans honte, à mes yeux, que l’oseille verdisse,
Que l’épaisse laitue en croissant s’arrondisse,
Que la courge flexible et semblable au serpent
Erre en plis tortueux et s’allonge en rampant,
Et que l’humhle lentille, autrefois si vantée,
Des champs du Lévantin soit ici transplantée.
La fève dont la tige aime l’eau des marais,