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NOTICE HISTORIQUE

court aux bureaux du Moniteur, et y exige impérieusement un erratum, qui est imprimé le 27 mars (n° 186), et qui rétablit le texte du discours. Veut-on savoir maintenant jusqu’à quel point cette imposture était audacieuse ? On va l’apprendre par la révélation d’un fait qui suffirait seul pour peindre et Bonaparte et Fontanes. Le 21 mars, avant le jour, le premier Consul expédie à Fontanes l’ordre de se rendre auprès de lui, à six heures du matin. — « Eh bien ! (lui dit-il avec un calme apparent) vous savez que le duc d’Enghien est arrêté ? — Je ne puis encore y croire, même en l’apprenant par vous. — Pourquoi cela ? — C’est le plus grand malheur qui ait pu vous arriver. — Que feriez-vous donc à ma place ? — Je me hàterais de le renvoyer libre. — Libre ! quand je sais qu’il a pénétré plusieurs fois sur le territoire français et qu’il y conspirait contre moi ! — Cela fût-il vrai, c’est une raison de plus pour un homme tel que vous de le mettre en liberté. — Les lois veulent qu’il soit jugé, et je l’ai traduit à un conseil de guerre. — Non ! vous ne ternirez pas ainsi votre gloire. — Il faut qu’il porte la peine de son crime. — Ô ciel ! c’est impossible ! c’est vous livrer aux jacobins… c’est vous perdre !… Vous ne le tuerez pas ! non, vous ne le tuerez pas ! — Il n’est plus temps ! il est mort. »

Jamais Fontanes n’a cessé d’exprimer franchement à Bonaparte son opinion sur ce lâche assassinat. « Pensez-vous toujours à votre duc d’Enghien ? lui dit un jour l’empereur. — Mais il me semble, répondit-il, que l’empereur y pense autant que moi. » — « Faible politique que vous êtes (lui disait-il une autre fois, à propos du même crime), lisez cette note diplomatique, et voyez si le cabinet qui me l’envoie juge ma conduite aussi sévèrement que vous. » Fontanes lit la note et répond : « Cela ne prouve rien, sinon qu’on croit dans ce cabinet que vous serez avant peu le conquérant du pays. »

Quelques esprits prévenus ou peu éclairés, révoquant en doute les sentiments légitimistes de Fontanes, ont poussé