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DE L’ESPÈCE.

Je ne m’en tiendrai pas à cette définition. Je resserre mon sujet, mais je ne le resserre que pour l’approfondir. Quelle est, sur les êtres vivants, les êtres animés (seul objet de ce cours), la vue savante, la vue précise ?

Écoutons un grand penseur, Buffon. Pour lui, les êtres de la nature, ce ne sont pas les individus. Les individus ne sont que les formes fugitives de quelque chose de permanent. Buffon dit : « Les espèces sont les seuls êtres de la nature, » et il ajoute : « Êtres perpétuels, aussi anciens, aussi permanents qu’elle, que, pour mieux juger, nous ne considérons plus comme une collection ou une suite d’individus semblables, mais comme un tout indépendant du nombre, indépendant du temps ; un tout toujours vivant, toujours le même ; un tout qui a été compté pour un dans les ouvrages de la création, et qui, par conséquent, ne fait qu’une unité dans la nature[1]. »

Dans toute science, le premier pas vraiment scientifique, le pas philosophique est une abstraction, une conception générale, où je néglige les conditions purement individuelles pour m’éle-

  1. Œuvres complètes de Buffon, t. III, p. 414. J’avertis, une fois pour toutes, que c’est toujours l’édition annotée, que j’ai donnée des Œuvres de Buffon, que je cite ici.