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XV
sur la fable.

poëte dont je fais grand cas, et qui m’a fourni mes apologues les plus heureux. Je compte bien en prévenir le public dans une préface, afin que l’on ne puisse pas me reprocher…

— Oh ! c’est fort égal au public, interrompit-il en riant. Qu’importe à vos lecteurs que le sujet d’une de vos fables ait été d’abord inventé par un Grec, par un Espagnol, ou par vous ? L’important, c’est qu’elle soit bien faite. La Bruyère a dit : « Le choix des pensées est invention. » D’ailleurs vous avez pour vous l’exemple de La Fontaine. Il n’est guère de ses apologues que je n’aie retrouvés dans des auteurs plus anciens que lui. Mais comment y sont-ils ? Si quelque chose pouvait ajouter à sa gloire, ce serait cette comparaison. N’ayez donc aucune inquiétude sur ce point.

« En poésie, comme à la guerre, ce qu’on prend à ses frères est vol, mais ce qu’on enlève aux étrangers est conquête.

«  Parlons d’une chose plus importante. Comment avez-vous considéré l’apologue ? »

À cette question je demeurai surpris ; je rougis un peu, je balbutiai ; et voyant bien, à l’air de bonté du vieillard, que le meilleur parti était d’avouer mon ignorance, je lui répondis si bas qu’il me le fit répéter, que je n’avais pas encore assez réfléchi sur cette question, mais que je comptais m’en occuper quand je ferais mon discours préliminaire.

« J’entends, me répondit-il ; vous avez commencé par faire des fables, et quand votre recueil sera fini, vous réfléchirez sur la fable. Cette manière de procéder est assez commune, même pour des objets plus importants. Au surplus, quand vous auriez pris la marche contraire, qui sûrement eût été plus raisonnable, je doute que vos fables y eussent gagné. Ce genre d’ouvrage est peut-être le seul où les poétiques sont à peu près inutiles, où l’étude n’ajoute presque rien au talent, où, pour me servir d’une comparaison qui vous appartient, on travaille, par une espèce d’instinct, aussi bien que l’hirondelle