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LITTERATURE ORALE

oiseaux officiers donnant des ordres à la colonie émigrante.

— Vous avez dû voir les oies de Pirou ? Elles passent ordinairement par ici.

— Pirou? je connais un château de ce nom sur la côte, en face de Jersey. Je n'y ai pas plus vu d'oies que partout ailleurs.

— C'est que vous n'y êtes pas allé dans la saison, du mois de mars au mois de mai ?

— C'est vrai. Mais qu'est-ce que les oies de Pirou ont de particulier ?

— Ce sont des gens bien malheureux.

— Des gens ?

— Oui, des gens. Vous avez entendu parler de personnes qui en savent assez pour se changer en bêtes, mais qui n'en savent pas assez pour redevenir des hommes !

— J'ai connu des gens que j'aime bien, qui se changent parfois en bêtes ; mais il leur suffit pour cela d'aller au cabaret.

— Vous dites ça pour moi parce que vous buvez sec, vous, tandis que je perds bien vite la bous- sole. Mais je vous parle de gens qui sont devenus des liè\Tes, des chats, des lapins et qui n'ont jamais pu reprendre la forme humaine.