Page:Flaubert - Théâtre éd. Conard.djvu/460

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
456
THÉÂTRE.

Monsieur Roch s’incline académiquement devant Paul, puis s’avançant, à pas mesurés, vers Mme de Saint-Laurent.

Me permettrez-vous une légère observation, Madame ! (Geste de de Saint-Laurent.) Votre ah ! manque absolument de justesse. Votre ah ! peint l’étonnement, la surprise, comme si vous disiez, en ouvrant votre fenêtre : Ah ! il pleut ! tandis que dans la circonstance présente, où j’ai l’honneur d’être attendu de vous, votre ah ! ne peut être qu’un ah ! de contentement, de joie même : ah !… enfin !… cet excellent monsieur Roch ! Bien, étalez « excellent » soyez le bienvenu, monsieur Roch. (Se retournant vers Paul.) Pardon, mille fois, Monsieur, mais ce sont ces nuances-là qui font la perfection !… Mme de Saint-Laurent, avec emphase :) Bienvenu, le bienvenu monsieur Roch !… tous mots de valeur…

Paul, à part.

Quel idiot !

Madame de Saint-Laurent, subjuguée.

Sans flatterie, Monsieur, espérez-vous tirer quelque chose de votre élève ?

Monsieur Roch, appuyé sur la jambe gauche, avançant un peu la droite, avec des gestes du bras et des inflexions savantes.

J’en ai plus que l’espérance, Madame, j’en ai la certitude ! (avec un aimable sourire) ne possédez-vous pas déjà la meilleure garantie de réussite… (se penchant vers elle) la beauté ?

Madame de Saint-Laurent, flattée.

Ah !

Monsieur Roch, vivement.

Très bien, ce ah ! là, très bien ! (S’approchant d’elle.) Avez-vous observé, Madame, comme je me suis posé,