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ACTE TROISIÈME


Au Salon de Flore. L’intérieur d’un bastringue. En face, et occupant tout le fond, une estrade pour l’orchestre. Il y a dans le coin de gauche une contrebasse. Attachés au mur, des instruments de musique ; au milieu du mur, un trophée de drapeaux tricolores. Sur l’estrade une table avec une chaise ; deux autres tables des deux côtés. Une petite estrade plus basse est au milieu, devant l’autre. Toute la scène est remplie de chaises. À une certaine hauteur un balcon, où l’on peut circuler.



Scène première.

ROUSSELIN, seul, à l’avant-scène, puis un Garçon de café.

Si je comparais l’Anarchie à un serpent, pour ne pas dire hydre ? Et le Pouvoir… à un vampire ? Non, c’est prétentieux ! Il faudrait cependant intercaler quelque phrase à effet, de ces traits qui enlèvent… comme : « fermer l’ère des révolutions, camarilla, droits imprescriptibles, virtuellement ; » et beaucoup de mots en isme : « parlementarisme, obscurantisme !… »

Calmons-nous ! un peu d’ordre. Les électeurs vont venir, tout est prêt ; on a constitué le bureau, hier au soir. Le voilà, le bureau ! Ici, la place du Président (Il montre la table, au milieu.) des deux côtés, les deux secrétaires, et moi, au milieu, en face du public !… Mais sur quoi m’appuierai-je ? Il me faudrait une tribune ! Oh ! je l’aurai, la tribune ! En attendant… (Il va prendre une chaise et la pose devant lui, sur la petite estrade.) Bien ! et je placerai le verre d’eau, — car je commence à avoir une soif abominable — je placerai le verre d’eau, là ! (Il prend le verre d’eau qui se trouve sur la table du Président, et le met sur sa chaise.) Aurai-je assez de sucre ? (Regardant le bocal qui en est plein.) Oui !