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en remontant sur l’autre bord, Salammbô, pour se rafraîchir les mains, arrachait des feuilles mouillées. Au coin d’un bois de lauriers-roses, son cheval fit un grand écart devant le cadavre d’un homme, étendu par terre.

L’esclave aussitôt la rétablit sur les coussins. C’était un des serviteurs du temple, un homme que Schahabarim employait dans les missions périlleuses.

Par excès de précaution, maintenant il allait à pied, près d’elle, entre les chevaux ; il les fouettait avec le bout d’un lacet de cuir enroulé à son bras, ou bien il tirait d’une pannetière suspendue contre sa poitrine des boulettes de froment, de dattes et de jaunes d’œufs, enveloppées dans des feuilles de lotus, et il les offrait à Salammbô, sans parler, tout en courant.

Au milieu du jour, trois Barbares, vêtus de peaux de bêtes, les croisèrent sur le sentier. Peu à peu, il en parut d’autres, vagabondant par troupes de dix, douze, vingt-cinq hommes ; plusieurs poussaient des chèvres ou quelque vache qui boitait. Leurs lourds bâtons étaient hérissés de pointes en airain ; des coutelas luisaient sur leurs vêtements d’une saleté farouche, et ils ouvraient les yeux avec un air de menace et d’ébahissement. Tout en passant, quelques-uns envoyaient une bénédiction banale ; d’autres, des plaisanteries obscènes ; l’homme de Schahabarim répondait à chacun dans son propre idiome. Il leur disait que c’était un jeune garçon malade, allant pour se guérir vers un temple lointain.

Cependant le jour tombait. Des aboiements retentirent ; ils s’en rapprochèrent.