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sur lui, l’écrasait, l’ensevelissait ; et les vengeances de famille s’accomplissaient ainsi, dans la famille, et par la maison elle-même qui en constituait la force et en symbolisait l’idée.

Quelquefois, cependant, quand ce misérable était un grand seigneur, un homme riche, quand il allait mourir, quand on en était repu et que les larmes de ses yeux avaient fait à la haine de son maître comme des saignées rafraîchissantes, alors on parlait de le relâcher. Le prisonnier promettait tout : il rendrait ses places fortes, il remettrait les clefs de ses meilleures villes, il donnerait sa fille en mariage, il doterait des églises, il irait à pied au Saint-Sépulcre. Et de l’argent ! de l’argent encore ! Il en ferait plutôt faire par les juifs ! Donc on signait le traité, on le contresignait, on l’antidatait ; on apportait les reliques, on jurait dessus, et le prisonnier revoyait le soleil. Il enfourchait un cheval, partait au galop, rentrait chez lui, faisait baisser la herse, convoquait ses gens et décrochait son épée. Sa haine éclatait au dehors en explosions féroces. C’était le moment des colères terrifiantes et des rages victorieuses. Le serment ? le pape vous en relevait, et pour la rançon, on ne la payait pas.

Lorsque Clisson fut enfermé dans le château de l’Hermine, il promit pour en sortir cent mille francs d’or, la restitution des places appartenant au duc de Penthièvre, la non-exécution du mariage de sa fille Marguerite avec le duc de Penthièvre. Et, dès qu’il fut sorti, il commença par