Page:Flaubert - Par les champs et par les grèves.djvu/53

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quelque temps avant de mourir, l’amiral de Montauban) et qui si lâchement abandonna tour à tour son conseiller Chauvin à son favori Landois, et Landois aux ennemis de Chauvin, tiraillé en tous sens par mille liaisons qu’il dénouait, par mille influences qui se succédaient ; il est bien le père, quant au manque de cœur et à la sécheresse de caractère, de la froide et hypocrite Anne qui est pour moi une des figures les plus mal plaisantes du xvie siècle.

Puisque nous parlons d’histoire, à cent pas de là, en face le vieux château, se trouve la maison où fut surprise la duchesse de Berry en 1832. Le cœur se serre dans cette petite chambre nue tendue d’un sale papier gris et à peine éclairée par des carreaux jaunes. Nous vîmes la plaque derrière laquelle se cachèrent la princesse et ses compagnons ; on a peine à croire qu’ils y aient pu tenir. Toute cette demeure est discrète et froide, on n’y entend aucun bruit, point d’enfant qui joue ni de chien qui aboie. Habitée par deux vieilles filles dévotes, avec son étroite cour sombre, son allée humide, son escalier de bois qui se pourrit à la pluie, elle a quelque chose de découragé, de ruiné, de honteux comme si elle sentait jusque dans ses pierres l’amertume du souvenir.

Il ne reste du vieux château que les deux tours d’entrée, celle du pied-de-biche à gauche du pont-levis, celle de la boulangerie à droite. Il y a encore d’à peu près intact un autre corps de logis percé de fenêtres de la fin du xve siècle, et dans la cour