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À la réconciliation d’Arras, 1477, il fut stipulé qu’on jurerait la paix sur telles reliques que l’on voudrait, sauf sur le corps de J.-C. et sur la vraie croix, parce que le parjure en mourrait infailliblement dans l’année. Pendant qu’il parlementait avec le roi, il s’alliait avec l’Angleterre et faisait venir des armes d’Italie ; le roi, de son côté, promettait la Bretagne aux Écossais et soudoyait le sire de Lescun, son conseiller. Une fois pourtant il eut un beau mouvement, qui fut de refuser le collier de Saint-Michel, 1470 ; d’après les statuts de l’ordre, il eût été forcé, en effet, de servir le roi envers et contre tous et de renoncer à toute autre alliance, or il préférait avec raison celle du comte de Charolais et du duc de Berry. Il aurait pu jurer et ne pas tenir, il faut lui savoir gré de la franchise. Louis XI, qui toute sa vie le combattit et qui le haïssait déjà avant d’être roi, mourut sans l’avoir pu vaincre, et quatre ans plus tard cependant, comme pour faire voir combien les gens médiocres triomphent parfois des grands hommes pour succomber ensuite sous de plus faibles qu’eux-mêmes, il est forcé de subir l’humiliant traité du Verger, 1488, et il en meurt de tristesse. Quoiqu’il ait établi des manufactures de soie à Vitré et de tapisseries à Rennes (ce qu’on a soin de mettre dans les livres où on le représente comme le défenseur dévoué de l’indépendance bretonne), j’ai toujours eu peu de sympathie pour cet homme terne qui faisait combattre un lion contre des ânes (celui que lui avait donné,