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agréables. Hélas ! il a fallu se séparer le lendemain de notre bon capitaine qui nous a embrassés avec effusion et qui nous a bien promis de venir nous voir en France.

La grande route nous a menés jusqu’à trois heures de Corte où nous avons deux voltigeurs qui, par ordre du capitaine, devaient nous accompagner jusqu’à Piedicroce. Nous nous élevons dans la direction de l’Italie et parcourons une route à peu près semblable à celle que nous avons faite de Bocognano à Ghisoni. Les montagnes de la Corse se montrent à nous de nouveau, et le soleil couchant nous les éclaire encore. Arrivés sur la hauteur où nous avons revu la Méditerranée, elles avaient complètement disparu. Le soir venait et le chemin se faisait de plus en plus mauvais ; il a fallu descendre de cheval et aller à pied. Bientôt nous sommes entrés dans une forêt de châtaigniers, et l’obscurité est devenue tout à fait complète. Notre guide ne contribue pas médiocrement à nous rendre la route désagréable, il s’est enivré à Corte, nous étourdit de ses chansons ; il est baveux, bavard et bravache.

Comme la lune n’était pas encore parue et que les arbres étaient touffus, nous marchions doucement de peur de rouler dans les pierres, soutenant nos pas avec la baguette qui nous avait servi de cravache. Toute la vallée était couverte de châtaigniers, et les pentes qui s’étendaient sous nous, les hauteurs qui nous dominaient, tout était sombre, silencieux. Le jour qui pénétrait dans les