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une tête de chevalier ou de matrone, souvenir antique que le libre caprice du sculpteur a jeté à profusion, plaçant l’art au milieu de la foi, le remplissant et s’en faisant un prétexte. N’est-ce pas l’antiquité dans le roman, le xvie siècle dans le xie, la Renaissance dans le moyen âge ? Partout le bois est sculpté, fouillé, tressé, tant le talent est flexible, tant l’imagination se joue et rit dans les mignardes inventions ; aux culs-de-lampe ce sont des amours suspendus et versant des corbeilles de fleurs sur des seins de femmes qui palpitent, et des ventres de tritons qui rebondissent et dont, plus bas, la queue de poisson s’enlace et se roule sur la colonne. Çà et là c’est une tête de mort, plus loin une face de cheval, de lion, n’importe quoi pourvu que ce soit quelque chose ; ici un pédagogue qui fesse un écolier pour faire rire quand on passe à côté ; la luxure en femme avec le pied fourchu, et la feuille de chou, un singe qui a mis le capuchon d’un moine, des bateleurs qui s’exercent, et mille choses encore sans gravité et sans pensée ; partout de la complaisance dans les formes, de l’esprit, de l’art et rien autre chose ; pas une tête inspirée qui prie, pas une main tendue vers le ciel, ce n’est pas une église, c’est plutôt un boudoir. Dans un temple, toutes ces miséricordes ouvragées où l’on s’asseoit comme dans un fauteuil, et où les belles dames du xvie siècle laissaient retomber leurs doigts effilés se prélassant sur les détails païens, ces volutes, ces feuilles d’acanthe, ces têtes de mort même, qu’est-ce que