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le regard noir et droit, l’air franc, amical, fripon et bon enfant, plus spirituel de beaucoup que celui de Mme d’Humières, par exemple, avec sa bouche rose en cœur si sensuelle et tout humide.

Je ne parlerais plus de toutes ces belles dames, si le grand portrait de Mme Deshoulières, en grand déshabillé blanc, debout (c’est du reste un noble visage et, comme le talent si décrié et si peu connu de ce poète, meilleur peut-être au second aspect qu’au premier), ne m’avait rappelé par le caractère infaillible de la bouche, qui est grosse, avancée, charnue et charnelle, la brutalité du portrait de Mme de Staël, par Gérard. Quand je le vis, il y a deux ans, à Coppet, la fenêtre était ouverte, le soleil l’éclairait en face, je ne pus m’empêcher d’être frappé par ces lèvres rouges et vineuses, par ces narines larges, reniflantes, aspirantes. La tête de George Sand offre quelque chose d’analogue. Chez toutes ces femmes à moitié hommes, la spiritualité ne commence qu’à la hauteur des yeux. Le reste est resté dans les instincts du sexe. Presque toutes aussi sont grasses et ont des tailles viriles : Mme Deshoulières, Mme de Sévigné, Mme de Staël, G. Sand et Mme Colet. Je ne connais que Mme Annaïs Ségalas qui soit maigre.

Nous avons vu dans la chambre de Diane de Poitiers, le grand lit à baldaquin de la royale concubine, tout en damas bleu et cerise. S’il m’appartenait, j’aurais bien du mal à m’empêcher de ne m’y pas mettre quelquefois. Coucher dans le lit de Diane de Poitiers, même quand il est vide, cela