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perfide recommandée par Lucrèce et par l’Amour conjugal. La plupart des sujets intermédiaires ont du reste été enlevés, au grand désespoir des chercheurs de fantaisies drolatiques, enlevés de sang-froid, exprès, par décence, et comme nous le disait, d’un ton convaincu, le domestique de Sa Majesté, « parce qu’il y en avait beaucoup qui étaient inconvenants pour les dames ».

[1]Personne ne peut m’accuser de m’avoir entendu gémir sur n’importe quelle dévastation que ce soit, sur n’importe quelle ruine ni débris ; je n’ai jamais soupiré à propos du ravage des révolutions ni des désastres du temps ; je ne serais même pas fâché que Paris fût retourné sens dessus dessous par un tremblement de terre ou se réveillât un beau matin avec un volcan au beau milieu de ses maisons, comme un gigantesque brûle-gueule qui fumerait dans sa barbe : il en résulterait peut-être des aquarelles assez coquettes et des ratatouilles grandioses dans le goût de Martins. Mais je porte une haine aiguë et perpétuelle à quiconque taille un arbre pour l’embellir, châtre un cheval pour l’affaiblir ; à tous ceux qui coupent les oreilles ou la queue des chiens, à tous ceux qui font des paons avec des ifs, des sphères et des pyramides avec du buis ; à tous ceux qui restaurent, badigeonnent, corrigent, aux éditeurs d’expurgata, aux chastes voileurs de nudités profanes, aux arrangeurs d’abrégés et de raccourcis ;

  1. Inédit, pages 27 à 29.