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Nous avons vu une masure en ruines où l’on entrait par un portail gothique ; plus loin se dressait un vieux pan de mur troué d’une porte en ogive ; une ronce dépouillée s’y balançait à la brise. Dans la cour, le terrain inégal est couvert de bruyères, de violettes et de cailloux. On distingue vaguement des anciens restes de douves ; on entre quelques pas dans un souterrain comblé ; on se promène là dedans, on regarde et on s’en va. Ce lieu s’appelle le temple des faux Dieux, et était, à ce que l’on suppose, une commanderie de Templiers.

Notre guide est reparti devant nous, nous avons continué à le suivre.

Un clocher est sorti d’entre les arbres ; nous avons traversé un champ en friche, escaladé le haut bord d’un fossé ; deux ou trois maisons ont paru : c’était le village de Plomelin. Un sentier fait la rue ; quelques maisons, séparées entre elles par des cours plantées, composent tout le village. Quel calme ! quel abandon plutôt ! les seuils sont vides, les cours sont désertes.

Où sont les maîtres ? On les dirait tous partis à l’affût, se tapir derrière les genêts pour y guetter le Bleu qui doit passer dans la ravine.

L’église est pauvre et d’une nudité sans pareille. Pas de beaux saints peinturlurés, pas de toiles aux murs, ni, au plafond, de lampe suspendue oscillant au bout de sa longue corde droite. Dans un coin du chœur, par terre, brûle une mèche dans un verre rempli d’huile. Des piliers ronds supportent la voûte de bois dont la couleur bleue