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On sait seulement que jusqu’au xviie siècle cette statue était placée sur la montagne de Castannec où les paysans bretons l’y adoraient comme une idole et lui apportaient des offrandes. Elle guérissait des malades ; les femmes relevant de couches se baignaient dans sa cuve et les jeunes gens désireux des noces accouraient s’y plonger pour se livrer ensuite, sous les yeux de la déesse, aux passe-temps solitaires des mélancolies amoureuses. En 1671 des missionnaires se trouvaient à Baud, ayant, à ce qu’il paraît, des prédilections d’une autre nature, en furent scandalisés et engagèrent le comte de Lannion, gouverneur du pays, à extirper d’un seul coup l’idolâtrie en détruisant l’idole ; le comte se contenta de la renverser et de la rouler du haut de la montagne dans la rivière qui passe au pied. Une inondation survint, les paysans l’attribuèrent à la colère de la déesse, la retirèrent de l’eau, la remirent à sa place et recommencèrent à célébrer son culte avec ces mêmes cérémonies qui révoltaient les honnêtes gens, comme on disait alors, si bien qu’un certain évêque de Vannes, Charles de Rosmadec, supplia à son tour le comte de Lannion (le fils du précédent) de mettre définitivement la pauvre statue en pièces. Le comte n’en fit rien, mais transporta le tout, cuve et femme, dans la cour de son château de Quinipily. Cet enlèvement ne se fit pas sans peine, il fallut que les soldats du gouverneur se défendissent contre les paysans qui la voulaient garder chez eux.