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crier de loin « qu’il nous fallait une permission pour le voir », mais nous nous assîmes au bas de son talus sur le versant d’un grand monticule de gazon dont la pente descend vers les sables. Le soleil brillait, la mer pétillait, un vent sec et âpre soufflait sur les joncs des dunes et, comme une nappe d’eau qui eût passé dessus, les courbait tous à la fois.

En face de cette hauteur où nous étions, Plouharnel se montrant sur la côte opposée, le clocher de son église, certes, paraissait facile à atteindre, il n’y avait qu’à suivre tout droit ainsi que disent les paysans. Comme si c’était chose fort aisée à faire que de suivre tout droit n’importe quoi, même quand on a devant les yeux un clocher ou une girouette !

La presqu’île, se découpant au milieu de la mer, prolongeait sa perspective d’un jaune pâle, et les vagues dessinaient sur son double rivage deux longues bordures d’écume blanche. La mer était toute bleue, le ciel tout blanc ; frappés d’aplomb par le soleil, les sables faisaient miroiter devant nous de grands reflets bruns qui semblaient les faire onduler et en allonger l’étendue. Des monticules ronds formés par des coups de vent, et que piquaient çà et là quelques joncs minces comme des aiguilles, se présentaient sans cesse l’un après l’autre, il fallait les monter et les descendre, des traînées de poussière se levant lentement s’envolaient et nos yeux se fermaient à l’éblouissement du soleil qui flambait sur les flots