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creusée en cuillère, la nuée grise a monté comme un flot de fumée. — Feuilles fer rouillé des chênes à travers la brume. — Nos chevaux pataugent dans la boue des neiges fondues et nous éclaboussent en glissant sur les pierres.

De temps à autre, au bord du chemin, petites places de neige très blanches ; bientôt nos chevaux en ont jusque par-dessus le sabot, la pluie tombe, nous prenons nos peaux de bique.

Tout à coup un val devant nous, grande pente abrupte à notre droite, couverte de neige seulement déchirée par les arbres, qui deviennent plus grands et plus tassés : vieux chênes dans lesquels on a fait le feu et qui n’ont plus que l’écorce, troncs noirs calcinés gisant par terre au milieu du blanc de la neige.

Nous sommes à une jonction de montagnes, une ligne s’en va sur la gauche, celle qui est à notre droite continue dans le même sens. Nous sommes sur une hauteur, vallon étroit très profond dans lequel il faut descendre. De l’eau, de l’eau, sapins, chic alpestre, une grande cascade au delà du torrent à droite ; les arbres sont drapés du velours vert des mousses, les feuilles sèches tremblent au vent, la route zigzague dans les chênes et les sapins, nous entendons le bruit du torrent qui descend de cascade en cascade ; des arbres pourris se tiennent suspendus sur l’abîme ; un, sans feuilles, penché sur l’eau transversalement. Peu à peu nous nous rapprochons de l’eau. Troupeau de chèvres : nous nous arrêtons à les regarder passer sur le pont, tronc d’arbre jeté ; le bouc surveille le passage.

Nous quittons le torrent et nous nous élevons par la voie pavée, dont de place en place, dans la