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Nous prenons à travers champs labourés et, retournant sur la gauche, nous trouvons un ancien petit cirque, sur les bords duquel se promène un troupeau de moutons. François demande au berger pourquoi les brebis n’ont pas encore mis bas ; elles sont en retard ici. Le berger répond que les agneaux sont déjà venus, mais qu’ils sont séparés de leurs mères pour qu’on puisse traire celles-ci, le soir. Le cirque est très petit, des éboulements aux deux bouts lui ont donné une forme ovoïde ; en bas des gradins inférieurs, excavations noires. Nous passons sur des roches, nous entrons dans Corinthe.

Corinthe. — Rien ! rien ! Où êtes-vous, Laïs ? où est ton tombeau couronné d’une lionne tenant un bélier dans ses pattes ?

Au milieu de la ville, à sa partie la plus élevée, sept colonnes de vieux dorique très lourd, d’un seul fût ; la pierre grise est d’un vilain ton. Celles-ci sont très abîmées de trous, la dernière des cinq a son chapiteau déplacé comme celle de Sardes ; un bourrelet rond au chapiteau.

Les montagnes en face Corinthe vont en s’élevant à partir de gauche et montent graduellement par des plans successifs déchiquetés sur leur galbe.

Aujourd’hui une des bonnes journées du voyage, des plus profondément senties, des plus intimement plaisantes ; de Mégare à Kineta, ça restera pour moi comme un des instants de soleil de ma vie. Pauvre chose que la plume, rien même que pour se rappeler cela !

Corinthe, 9 heures moins 20.