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dans l’Asie ! elle y pénètre par le billard, par l’estaminet, par Paul de Kock, Béranger et les journaux. Comme ça se civilise ! Que deviendra l’Orient ? il attend peut-être le Bédouin pour le régénérer.

Aujourd’hui, comme nous allions sortir à cheval, à 4 heures, M. Guyot, le supérieur des Lazaristes, est venu nous voir. Il nous parle des chrétiens d’ici ; les prêtres arabes sont plus turcs que chrétiens, le lien national est plus fort que le lien religieux ; ils prélèvent sur chaque succession, avant les héritiers et les créanciers, un tiers, quelquefois la moitié. — Ignorance crasse de ce clergé, battu (selon lui) par les élèves des Lazaristes. — Influence des femmes excessive dans les familles chrétiennes : c’est par les femmes qu’ils ont l’enfant. — N’a pas à se plaindre des Musulmans, au contraire. — La mort du Père Thomas a aussitôt été mise en vers par un aveugle, qui allait chantant cela de porte en porte et vivait ainsi ; il y a ainsi beaucoup d’Homères vagabonds très respectés et gagnant beaucoup d’argent ; le sheik bédouin reste sur le bord de sa tente, à conter des histoires ou à en entendre ; partout le merveilleux. Influence de l’imagination excessive. Un grand poète ici serait apprécié populairement, ce qui n’a jamais eu lieu chez nous, quoi qu’on en dise.

Les Maronites ne valent pas mieux que les Druses et leur rendent parfaitement tout ce que ceux-ci peuvent leur faire. Si les Druses leur brûlent deux villages, ils ne manquent pas de leur en brûler deux et quelquefois quatre.

M. Guyot a surpris, ces jours derniers, deux