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à barbe blanche, figure franche et cordiale, agent français dans ce pays. Sur le seuil de sa porte nous trouvons M. Barthélemy (fils aîné), chancelier du consulat de Gidda ; il est débraillé et en chapeau de paille couvert d’une coiffe de coton blanc. On nous installe dans un petit pavillon carré, une fenêtre donne sur la mer, l’autre sur la rue, la troisième sur la cour du père Élias, toute pleine d’ardebs de blé. La mer, vue de ma fenêtre, est plutôt verte que bleue. Les barques arabes avec leur arrière surchargé, leur avant faible et leur pointe qui remonte le plus possible. — Arrivée de M. Métayssier, consul de France à Gidda, le col dans les épaules, et sentant le musc, ce qui me fait présumer qu’il a un séton : bavard, insipide, funeste, sait tout, connaît tout le monde, a donné des conseils à Casimir-Perier, à Thiers, à Louis-Philippe… pauvre homme ! Mon voyage n’était pas fini que j’ai appris la fin du sien ; il est mort à Gidda après trois mois de séjour !…

Nous faisons un tour dans la ville ; elle est assez propre ; ça ne ressemble plus à l’Égypte. — Races diverses de nègres : quelques-uns ressemblent à des femmes, un entre autres, que j’ai rencontré sur la jetée en bois (plancher sur pilotis qui s’avance dans la rade) ; il avait des seins, des hanches et des fesses de femme, et le crâne si serré à partir des tempes, qu’il faisait presque pyramide. Il y a, je crois, dans la race nègre, plus de variétés encore que dans la race blanche. Comparez le nègre du Sennahar (type indien, caucasique, européen, pur noir) avec le nègre de l’Afrique centrale, la tête du nègre de Guinée est une tête de Jupiter à côté.