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découvert et comme une petite plaine qui s’étale sur notre gauche dans la montagne Daoui (endroit clair ou découvert).

Mardi 21. — Partis à 4 heures du matin, nous descendons toujours. Les caravanes se multiplient, les montagnes blanchissent avec de grandes raies brunes. À 8 heures nous arrivons à Bir-el-Bedah (le puits blanc, à cause des montagnes qui l’avoisinent) ou Bir-Inglis (puits des Anglais, qui l’ont creusé). Un campement d’Ababdiehs entoure le puits. — Masures de paillassons et de terre. L’endroit est large, c’est une plaine dans la montagne. Un jeune homme nu et seulement recouvert d’un caleçon de toile, grise de crasse ou de poussière, prend mon chameau (geste du bras qui se lève en sautant !) pour le faire boire ; il puise de l’eau dans une outre au bout d’une corde et il retire l’outre pleine ou à peu près et pissant par tous ses trous. Le puits est entouré d’une margelle de pierres sèches, large de base et penchante ; il se piète dessus, en tirant. Les chameaux boivent lentement et énormément, il y a trois jours qu’ils n’ont bu. Il fait soif aussi pour nous et cette eau est exécrable ! les Ababdiehs ne veulent pas nous vendre du lait, seule nourriture qu’ils aient.

La route tourne à gauche, nous descendons : les montagnes calcaires entourant cette plaine rappellent le Mokattam. Le ciel est tout chargé de nuages, l’air humide, on sent la mer, nos vêtements sont pénétrés de moiteur. Je désire ardemment être arrivé, comme toutes les fois que je touche à un but quelconque : en toute chose j’ai de la patience jusqu’à l’antichambre. Quelques gouttes de pluie. Une heure après avoir quitté le