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mais je n’ai plus guère que des difficultés d’exécution ; puis il faudra récrire le tout, car c’est un peu lâché comme style. Plusieurs passages auront besoin d’être écrits et d’autres désécrits ; ainsi j’aurai été depuis le mois de juillet jusqu’à la fin de novembre à écrire une scène ! » (Corr.)

« Bouilhet a été content de mes comices, refaits, raccourcis et définitivement arrêtés, mais ça me paraît un peu sanglé, un peu trop cassé et rude, je n’ai plus que cinq à sept jours pour que toute cette scène soit finie. » (Corr.)

« J’écris de la Bovary, je suis à leur promenade à cheval, en plein, au milieu ; on sue et on a la gorge serrée. Tantôt, à 6 heures, au moment où j’écrivais le mot attaque de nerfs, j’étais si emporté, je gueulais si fort, et sentais si profondément ce que ma petite femme éprouvait, que j’ai eu peur moi-même d’en avoir une, je me suis levé de ma table et j’ai ouvert la fenêtre pour me calmer… Je me hâte un peu pour montrer à Bouilhet un ensemble quand il va venir ; ce qu’il y a de sûr, c’est que ça marche vivement depuis une huitaine… mais je redoute le réveil, les désillusions, les pages recopiées. N’importe, bien ou mal, c’est une délicieuse chose que d’écrire, que de n’être plus soi, mais de circuler dans toute la création dont on parle. » (Corr.)

« J’ai vu Bouilhet,… il a été content de ma promenade à cheval, mais avant ledit passage, j’en ai un de transition qui contient 8 lignes qui m’a demandé trois jours, où il n’y a pas un mot de trop, et qu’il faut pourtant raturer encore parce que c’est trop lent. » (Corr.)

« Je viens de recopier au net tout ce que j’ai fait depuis le jour de l’an, ou pour mieux dire depuis le milieu de février jusqu’à mon retour de Paris : j’ai tout brûlé, cela fait treize pages ni plus ni moins, treize pages en 7 semaines. Enfin, elles sont faites, je crois, et aussi parfaites qu’il m’est possible. Je n’ai plus que deux ou trois répétitions du même mot à enlever et deux coupes trop pareilles à casser. Voilà enfin quelque chose de fini ; c’était un surpassage, il fallait amener insensiblement le lecteur de la psychologie à l’action sans qu’il s’en aperçoive. Je vais entrer maintenant dans la partie dramatique, mouvementée, encore deux ou trois grands mouvements, et j’apercevrai la fin. Au mois de juillet, d’août, j’espère entamer le dénouement. Que de mal j’aurai eu, mon Dieu ! que de mal ! que d’éreintements et de découragements ! J’ai hier passé toute ma soirée à me livrer à une chirurgie furieuse ; j’étudie la théorie des pieds bots. J’ai dévoré en trois heures tout un volume de cette intéressante littérature et pris des notes… Il y a dans la Poétique de Ronsard un curieux précepte : il recommande au poète de s’instruire dans les arts et