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NOTE



ORIGINE DE MADAME BOVARY.


J’étais envahi par le cancer du lyrisme, vous m’avez opéré ; il n’était que temps, mais j’en ai crié de douleur.
G. Flaubert.


Une grande affection unissait Gustave Flaubert à son ami d’enfance Alfred Le Poittevin, à Maxime Du Camp qu’il connut à Paris alors que tous deux y faisaient leur droit, et à partir de 1846, à Louis Bouilhet — ancien interne de son père à l’hôpital de Rouen — qui, à cette date, abandonna la chirurgie pour se consacrer à la littérature.

Dès l’âge de treize ans, se révélait chez Flaubert une imagination prodigieuse qui, secondée par des allures indépendantes, une volonté tenace, un caractère orgueilleux, le destinait à la carrière littéraire. Il était né écrivain en pleine époque romantique. (Voir biographie.)

Jusqu’en 1851, il écrit fragments, essais, pièces, romans, sans les publier, trouvant sa formule esthétique imprécise, son art imparfait (voir Œuvres de jeunesse). Mais il les lit à ses amis, et quoique bataillant, il en accepte souvent les opinions et les conseils. C’est ainsi que Le Poittevin, écrivain de grande probité, était le critique le plus inflexible. Scrupuleux, ayant sur l’impersonnalité dans l’art des idées intransigeantes, pessimiste, il pénètre Flaubert de ses théories. Maxime Du Camp, esprit pratique, émettait des opinions. Et Louis Bouilhet, le dernier venu, poète au verbe choisi, le plus tendre et le plus généreusement dévoué des amis de Flaubert, lisait, soulignait, épurait ses manuscrits de sa logique sévère : la recherche de l’expression, l’harmonie de la phrase, les périodes, les personnages, leur caractère et leurs actions, tout était surveillé et rien n’échappait à ses susceptibilités. Flaubert, confiant, faisait toujours appel aux exigences de son esprit subtil. Il lui lisait au fur et à mesure de leur écriture les pages de ses manuscrits et quand il prenait