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et, comme Charles demandait des explications, elle eut la délicatesse de répondre :

— Ah ! je ne sais rien ! c’était pour ses affaires.

À chaque dette qu’il payait, Charles croyait en avoir fini. Il en survenait d’autres, continuellement.

Il exigea l’arriéré d’anciennes visites. On lui montra les lettres que sa femme avait envoyées. Alors il fallut faire des excuses.

Félicité portait maintenant les robes de Madame ; non pas toutes, car il en avait gardé quelques-unes, et il les allait voir dans son cabinet de toilette, où il s’enfermait ; elle était à peu près de sa taille, souvent Charles, en l’apercevant par derrière, était saisi d’une illusion, et s’écriait :

— Oh ! reste ! reste !

Mais, à la Pentecôte, elle décampa d’Yonville, enlevée par Théodore, et en volant tout ce qui restait de la garde-robe.

Ce fut vers cette époque que Mme veuve Dupuis eut l’honneur de lui faire part du « mariage de M. Léon Dupuis, son fils, notaire à Yvetot, avec Mlle Léocadie Lebœuf, de Bondeville. » Charles, parmi les félicitations qu’il lui adressa, écrivit cette phrase :

« Comme ma pauvre femme aurait été heureuse ! »

Un jour qu’errant sans but dans la maison, il était monté jusqu’au grenier, il sentit sous sa pantoufle une boulette de papier fin. Il l’ouvrit et il lut : « Du courage, Emma ! du courage ! Je ne veux pas faire le malheur de votre existence. » C’était la lettre de Rodolphe, tombée à terre entre des caisses, qui était restée là, et que le vent de la lucarne venait de pousser vers la porte. Et