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nom scientifique qu’il faille l’appeler, il est certain qu’elle devint dès lors, pour le jeune homme, une source nouvelle de mélancolie.

Le 16 janvier 1846 son père meurt, et trois mois plus tard c’est le tour de sa sœur Caroline, enlevée par une fièvre puerpérale, deux ans à peine après s’être mariée. Cette double catastrophe désespère Mme Flaubert et l’on craint même pour sa raison. Gustave abandonne ses études ; désormais il vivra près de sa mère, et tous deux s’installent à Croisset, hameau du bourg de Canteleu sur les bords de la Seine, en aval de Rouen.

La maison longue et basse, appuyée au coteau, était un vieux logis français avec des pièces spacieuses et une terrasse plantée de tilleuls qui aboutissait à un petit pavillon Louis XV. Flaubert se plaisait à croire que jadis, dans cette demeure, l’abbé Prévost avait écrit Manon Lescaut. L’habitation a disparu aujourd’hui ; seul le pavillon subsiste, grâce aux admirateurs du grand écrivain.

Flaubert y entame des lectures capitales ; il lit les classiques anciens et modernes, Homère, Hérodote et Sophocle, Lucrèce, Virgile et Tacite, Rabelais, Montesquieu et Voltaire, et aussi les poèmes indiens. Enfin, il commence un ouvrage dont la première idée lui est venue devant un tableau de Breughel, à Gênes, et qui maintes fois abandonné et repris, après trois versions successives, sera la Tentation de saint Antoine.

De temps en temps il vient à Paris, et c’est au mois d’août que commence sa liaison avec Louise