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XXX
préface

réelle élévation et, parfois, avec une profondeur et une subtilité qui surprennent chez un laïque. Pour bien saisir jusqu’à quel point il avait pénétré les finesses de la psychologie mystique, qu’on nous permette de citer cette note que nous avons recueillie dans ses papiers et qui éclaire d’un jour singulier certaines étrangetés de son personnage :

« Gradation du caractère de saint Antoine :L’état de perfection, la véritable orthodoxie, le premier degré de la sainteté, c’est d’arriver à ne plus être capable ni de pécher ni de mériter. On devient une chose, la chose de Dieu. Il nous éprouve, on le met presque au défi de vous faire crier, tant on est endurci contre toute souffrance humaine, physique ou morale. Il peut aller jusqu’à vous ôter la foi comme une trop grande compensation et une trop vive jouissance. On se résigne, on se passe de foi, on devient stupide tant que dure l’épreuve. Mais, pour subir sans péril cette épreuve décisive, il faut avoir si bien détruit en soi le goût et la faculté de pécher que Satan ne puisse rien contre vous. C’est la victoire de saint Antoine, c’est un nouveau degré de sainteté[1]. »

  1. Cette note n’est qu’une citation empruntée à un roman de G. Sand : Mademoiselle de la Quintinie (voir p. 256), qui parut en 1863. Ceci nous prouve, une fois de plus, que Flaubert ne cessait