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XV
préface

ment complet : le plan ne tient pas, la personnalité du saint est inconsistante, bref, c’est manqué encore une fois[1]. Il est évident qu’en 1874 le plan n’était guère meilleur et que la psychologie du personnage central restait tout aussi nébuleuse. Qui sait ce qu’eût fait Flaubert par la suite, si la Tentation, pour une cause ou pour une autre, fut rentrée de nouveau dans ses tiroirs[2] ?…

Mais n’abusons pas de cet argument qui, en somme, est extérieur au débat.

Admettons que ce premier manuscrit soit très inférieur au dernier, que Flaubert l’ait absolument désavoué (ce que nous ne savons pas). Nous sera-t-il interdit de faire pour lui ce qu’on a fait pour tant d’autres grands écrivains, dont on a recueilli pieusement les moindres épaves ? Mais il ne s’agit point d’un fragment quelconque, n’ayant qu’une valeur documentaire. Nous ne saurions trop le répéter : c’est un ouvrage original, dont la version de 1874 n’est qu’une réplique, — plus parfaite peut-être, — mais enfin une réplique. Dans ce cas n’y a-t-il pas un haut intérêt littéraire

  1. Correspondance, t. III, p. 110.
  2. Maxime Du Camp affirme positivement ce que nous ne faisons qu’insinuer ici. À propos de Flaubert et de la Tentation de 1874, on lit dans les Souvenirs littéraires, p. 435 : « Il nous a avoué depuis qu’il regrettait de n’avoir pas suivi notre conseil et de n’avoir pas gardé son travail en portefeuille. »