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XI
préface

Mais voilà que la Bovary lui attire une poursuite en correctionnelle. Il voit de fort près la prison, et c’est, dans Rouen, un scandale épouvantable ! Quoiqu’il affecte des airs braves, l’avertissement lui donne tout de même à réfléchir. Il fait son examen de conscience et découvre avec effroi que Saint Antoine va être jugé une récidive aggravante de Madame Bovary. Un Pinart quelconque n’aurait, entre une foule de passages compromettants, que l’embarras du choix, pour étayer ses accusations d’immoralité et d’attaques contre la religion. C’eût été bien plus facile et bien plus accablant que pour le premier livre incriminé… Avouons-le, l’échappé de la correctionnelle préféra son repos aux tracasseries et aux poursuites qu’il pressentait. Saint Antoine fut ajourné à une époque plus clémente, — et le pauvre Flaubert en demeura, quelque temps, tout désemparé. Au plus fort de cette crise, il écrit à Maurice Schlesinger : « C’est à tel point que j’hésite à mettre mon roman en volume. J’ai envie de rentrer et pour toujours dans la solitude et le mutisme dont je suis sorti, de ne rien publier, pour ne plus faire parler de moi. Car il me paraît impossible, par le temps qui court, de rien dire : l’hypocrisie sociale est tellement féroce ! Les gens du monde les mieux disposés pour moi me trouvent immoral, impie. Je ferais