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IV
préface

aimait passionnément le théâtre. À douze ans, il jouait la comédie dans le salon maternel. Or, il dut assister, comme tous les jeunes Rouennais d’alors, aux représentations qui se donnaient annuellement, à la foire de Saint-Romain, dans la baraque d’un imprésario ambulant resté fameux sous le nom du Père Saint Antoine[1] et qui perpétuaient en plein XIXe siècle la tradition des « Mystères ». Sans doute, Flaubert en reçut une forte impression, — et ce qui le prouverait, au besoin, c’est que, bien avant son voyage en Italie, il écrivit un scénario intitulé Smahr, vieux mystère, et dont le principal personnage est un ermite tenté par Satan. Il est donc permis de conjecturer que la Tentation comme le Faust de Gœthe, est sortie directement du drame médiéval. Le sujet de Gœthe, c’est l’homme qui vend son âme au Diable ; celui de Flaubert, c’est l’homme qui ne veut pas la vendre, non plus, comme au moyen âge, parce que c’est un péché, mais parce que c’est inutile !…

Néanmoins, si épris qu’il soit de ce sujet, il se défie d’abord de ses forces : « J’ai vu, — écrit-il de Milan à son ami Alfred Lepoittevin, — j’ai vu un tableau de Breughel… qui m’a fait penser à

  1. Nous devons cette conjecture à M. Georges Dumesnil, qui, en sa qualité de Rouennais, a pu assister, lui aussi, aux représentations du Père Saint Antoine.