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digéraient en humant la brise, qui rafraîchissait leurs pommettes.

Le ciel, très haut, était couvert d’étoiles ; les unes brillent par groupes, d’autres à la file, ou bien seules à des intervalles éloignés. Une zone de poussière lumineuse, allant du septentrion au midi, se bifurquait au-dessus de leurs têtes. Il y avait entre ces clartés de grands espaces vides, et le firmament semblait une mer d’azur, avec des archipels et des îlots.

— Quelle quantité ! s’écria Bouvard.

— Nous ne voyons pas tout ! reprit Pécuchet. Derrière la voie lactée, ce sont les nébuleuses ; au delà des nébuleuses, des étoiles encore : la plus voisine est séparée de nous par trois cents billions de myriamètres.

Il avait regardé souvent dans le télescope de la place Vendôme et se rappelait les chiffres.

— Le Soleil est un million de fois plus gros que la Terre, Sirius a douze fois la grandeur du Soleil, des comètes mesurent trente-quatre millions de lieues !

— C’est à rendre fou, dit Bouvard.

Il déplora son ignorance, et même regrettait de n’avoir pas été, dans sa jeunesse, à l’École polytechnique.

Alors Pécuchet, le tournant vers la Grande-Ourse, lui montra l’étoile polaire, puis Cassiopée, dont la constellation forme un Y, Véga de la Lyre, toute scintillante, et, au bas de l’horizon, le rouge Aldebaran.

Bouvard, la tête renversée, suivait péniblement les triangles, quadrilatères et pentagones qu’il faut imaginer pour se reconnaître dans le ciel.