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et le moyen, dans tous les cas morbides, de distinguer la cause de ses effets.

— La cause et l’effet s’embrouillent, répondait Vaucorbeil.

Son manque de logique les dégoûta, et ils visitèrent les malades tout seuls, pénétrant dans les maisons, sous prétexte de philanthropie.

Au fond des chambres, sur de sales matelas, reposaient des gens dont la figure pendait d’un côté ; d’autres l’avaient bouffie et d’un rouge écarlate, ou couleur de citron, ou bien violette, avec les narines pincées, la bouche tremblante, et des râles, des hoquets, des sueurs, des exhalaisons de cuir et de vieux fromage.

Ils lisaient les ordonnances de leurs médecins, et étaient fort surpris que les calmants soient parfois des excitants, les vomitifs des purgatifs, qu’un même remède convienne à des affections diverses, et qu’une maladie s’en aille sous des traitements opposés.

Néanmoins ils donnaient des conseils, remontaient le moral, avaient l’audace d’ausculter.

Leur imagination travaillait. Ils écrivirent au Roi, pour qu’on établît dans le Calvados un institut de garde-malades, dont ils seraient les professeurs.

Ils se transportèrent chez le pharmacien de Bayeux (celui de Falaise leur en voulait toujours à cause de son jujube), et ils l’engagèrent à fabriquer comme les Anciens des pila purgatoria, c’est-à-dire des boulettes de médicaments, qui, à force d’être maniées, s’absorbent dans l’individu.

D’après ce raisonnement qu’en diminuant la chaleur on entrave les phlegmasies, ils suspendirent dans son fauteuil, aux poutrelles du plafond,