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partie d’une société d’agriculture, brillerait aux expositions, serait cité dans les journaux.

Bouvard promena autour de lui des yeux chagrins.

— Ma foi ! j’ai envie de me débarrasser de tout cela pour nous établir autre part !

— Comme tu voudras, dit Pécuchet.

Et un instant après :

— Les auteurs nous recommandent de supprimer tout canal direct. La sève, par là, se trouve contrariée, et l’arbre forcément en souffre. Pour se bien porter, il faudrait qu’il n’eût pas de fruits. Cependant ceux qu’on ne taille et qu’on ne fume jamais en produisent, de moins gros, c’est vrai, mais de plus savoureux. J’exige qu’on m’en donne la raison ! Et non seulement chaque espèce réclame des soins particuliers, mais encore chaque individu, suivant le climat, la température, un tas de choses ! où est la règle, alors ? et quel espoir avons-nous d’aucun succès ou bénéfice ?

Bouvard lui répondit :

— Tu verras dans Gasparin que le bénéfice ne peut dépasser le dixième du capital. Donc on ferait mieux de placer ce capital dans une maison de banque. Au bout de quinze ans, par l’accumulation des intérêts, on aurait le double sans s’être foulé le tempérament.

Pécuchet baissa la tête.

— L’arboriculture pourrait bien être une blague !

— Comme l’agronomie ! répliqua Bouvard.

Ensuite, ils s’accusèrent d’avoir été trop ambitieux, et ils résolurent de ménager désormais leur peine et leur argent. Un émondage de temps à