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réflexions. Mais le curé, survenu tout à coup, murmura d’une voix câline :

— Ah ! quel malheur, véritablement ; c’est bien fâcheux ! Soyez sûr que je participe !…

Les autres n’affectaient aucune tristesse. Ils causaient en riant, la main étendue devant les flammes. Un vieux ramassa des brins qui brûlaient pour allumer sa pipe. Des enfants se mirent à danser. Un polisson s’écria même que c’était bien amusant.

— Oui, il est beau, l’amusement ! reprit Pécuchet, qui venait de l’entendre.

Le feu diminua, les tas s’abaissèrent, et une heure après, il ne restait plus que des cendres, faisant sur la plaine des marques rondes et noires. Alors, on se retira.

Mme Bordin et l’abbé Jeufroy reconduisirent MM. Bouvard et Pécuchet jusqu’à leur domicile.

Pendant la route, la veuve adressa à son voisin des reproches fort aimables sur sa sauvagerie, et l’ecclésiastique exprima toute sa surprise de n’avoir pu connaître jusqu’à présent un de ses paroissiens aussi distingué.

Seul à seul, ils cherchèrent la cause de l’incendie, et, au lieu de reconnaître avec tout le monde que la paille humide s’était enflammée spontanément, ils soupçonnèrent une vengeance. Elle venait sans doute de maître Gouy ou peut-être du taupier. Six mois auparavant, Bouvard avait refusé ses services, et même soutenu dans un cercle d’auditeurs que son industrie étant funeste, le gouvernement devrait l’interdire. L’homme, depuis ce temps-là, rôdait aux environs. Il portait sa barbe entière, et leur semblait effrayant, surtout