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Une angoisse saisit Bouvard et Pécuchet. Ils se levèrent, et, impatients d’être renseignés, s’avancèrent tête nue du côté de Chavignolles.

Une vieille femme passa. Elle ne savait rien. Ils arrêtèrent un petit garçon, qui répondit :

— Je crois que c’est le feu !

Et le tambour continuait à battre, la cloche tintait plus fort. Enfin ils atteignirent les premières maisons du village. L’épicier leur cria de loin :

— Le feu est chez vous !

Pécuchet prit le pas de gymnastique ; et il disait à Bouvard, courant du même train à son côté :

— Une, deux ; une, deux ! en mesure, comme les chasseurs de Vincennes.

La route qu’ils suivaient montait toujours ; le terrain, en pente, leur cachait l’horizon. Ils arrivèrent en haut, près de la Butte ; et, d’un seul coup d’œil ; le désastre leur apparut.

Toutes les meules, çà et là, flambaient comme des volcans, au milieu de la plaine dénudée, dans le calme du soir.

Il y avait autour de la plus grande, trois cents personnes, peut-être ; et sous les ordres de M. Foureau, le maire, en écharpe tricolore, des gars avec des perches et des crocs tiraient la paille du sommet, afin de préserver le reste.

Bouvard, dans son empressement, faillit renverser Mme Bordin, qui se trouvait là. Puis, apercevant un de ses valets, il l’accabla d’injures pour ne l’avoir pas averti. Le valet, au contraire, par excès de zèle, avait d’abord couru à la maison, à l’église, puis chez Monsieur, et était revenu par l’autre route.