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mirent trois autres avec celle-là. Toutes les quatre se comportèrent différemment.

Après force méditations, Bouvard reconnut qu’il s’était trompé. Son domaine exigeait la grande culture, le système intensif, et il aventura ce qui lui restait de capitaux disponibles ; trente mille francs.

Excité par Pécuchet, il eut le délire de l’engrais. Dans la fosse aux composts furent entassés des branchages, du sang, des boyaux, des plumes, tout ce qu’il pouvait découvrir. Il employa la liqueur belge, le lizier suisse, la lessive, des harengs saurs, du varech, des chiffons, fit venir du guano, tâcha d’en fabriquer, et, poussant jusqu’au bout ses principes, ne tolérait pas qu’on perdît l’urine ; il supprima les lieux d’aisances. On apportait dans sa cour des cadavres d’animaux, dont il fumait ses terres. Leurs charognes dépecées parsemaient la campagne. Bouvard souriait au milieu de cette infection. Une pompe installée dans un tombereau crachait du purin sur les récoltes. À ceux qui avaient l’air dégoûté, il disait :

— Mais c’est de l’or ! c’est de l’or !

Et il regrettait de n’avoir pas encore plus de fumiers. Heureux les pays où l’on trouve des grottes naturelles pleines d’excréments d’oiseaux !

Le colza fut chétif, l’avoine médiocre, et le blé se vendit fort mal, à cause de son odeur. Une chose étrange, c’est que la Butte, enfin épierrée, donnait moins qu’autrefois.

Il crut bon de renouveler son matériel. Il acheta un scarificateur Guillaume, un extirpateur Valcourt, un semoir anglais et la grande araire de