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Coulon ensuite demanda aux deux prévenus ce qu’ils avaient à dire.

Bouvard soutenait n’avoir pas injurié Sorel ; mais en prenant le parti du braconnier, avoir défendu l’intérêt de nos campagnes ; il rappela les abus féodaux, les chasses ruineuses des grands seigneurs.

— N’importe ! la contravention…

— Je vous arrête ! s’écria Pécuchet.

Les mots contravention, crime et délit ne valent rien. Vouloir ainsi classer les faits punissables, c’est prendre une base arbitraire.

Autant dire aux citoyens : « Ne vous inquiétez pas de la valeur de vos actions, elle n’est déterminée que par le châtiment du pouvoir » ; le Code pénal, du reste, me paraît une œuvre absurde, sans principes.

— Cela se peut ! répondit Coulon.

Et il allait prononcer son jugement ; mais Foureau, qui était ministère public, se leva. On avait outragé le garde dans l’exercice de ses fonctions. Si on ne respecte pas les propriétés, tout est perdu.

— Bref, plaise à M. le juge de paix d’appliquer le maximum de la peine.

Elle fut de dix francs, sous forme de dommages et intérêts envers Sorel.

— Bravo ! s’écria Bouvard.

Coulon n’avait pas fini :

— Les condamne, en outre, à cinq francs d’amende comme coupables de la contravention relevée par le ministère public.

Pécuchet se tourna vers l’auditoire :

— L’amende est une bagatelle pour le riche,