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de colère, le traitant comme un malade, ils le couchaient dans un lit ; Victor s’y trouvait bien, et chantait. Un jour, il dénicha dans la bibliothèque une vieille noix de coco et commençait à la fendre, quand Pécuchet survint :

— Mon coco !

C’était un souvenir de Dumouchel ! Il l’avait apporté de Paris à Chavignolles, en leva les bras d’indignation. Victor se mit à rire. « Bon ami » n’y tint plus, et d’une large calotte l’envoya bouler au fond de l’appartement, puis tremblant d’émotion, alla se plaindre à Bouvard.

Bouvard lui fit des reproches.

— Es-tu bête avec ton coco ! Les coups abrutissent, la terreur énerve. Tu te dégrades toi-même !

Pécuchet objecta que les châtiments corporels sont quelquefois indispensables. Pestalozzi les employait, et le célèbre Mélanchton avoue que, sans eux, il n’eût rien appris. Mais des punitions cruelles ont poussé des enfants au suicide, on en relate des exemples. Victor s’était barricadé dans sa chambre. Bouvard parlementa derrière la porte, et, pour la faire ouvrir, lui promit une tarte aux prunes.

Dès lors il empira.

Restait un moyen préconisé par Mgr Dupanloup : « le regard sévère ». Ils tâchaient d’imprimer à leurs visages un aspect effrayant, et ne produisaient aucun effet.

— Nous n’avons plus qu’à essayer de la religion, dit Bouvard.

Pécuchet se récria. Ils l’avaient bannie de leur programme.