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la croix. Il se pavana dessous ; mais ayant oublié la mort de Henri IV, Pécuchet le coiffa d’un bonnet d’âne. Victor se mit à braire avec tant de violence et pendant si longtemps qu’il fallut enlever ses oreilles de carton.

Sa sœur comme lui, se montrait fière des éloges et indifférente aux blâmes.

Afin de les rendre plus sensibles, on leur donna un chat noir qu’ils devaient soigner, et on leur comptait deux ou trois sols pour qu’ils fissent l’aumône. Ils trouvèrent la prétention injuste, cet argent leur appartenait.

Se conformant à un désir des pédagogues, ils appelaient Bouvard « mon oncle » et Pécuchet « bon ami » ; mais ils les tutoyaient, et la moitié des leçons ordinairement se passait en disputes.

Victorine abusait de Marcel, montait sur son dos, le tirait par les cheveux ; pour se moquer de son bec-de-lièvre, parlait du nez comme lui ; et le pauvre homme n’osait se plaindre, tant il aimait la petite fille. Un soir, sa voix rauque s’éleva extraordinairement. Bouvard et Pécuchet descendirent dans la cuisine. Les deux élèves observaient la cheminée, et Marcel, joignant les mains, s’écriait :

— Retirez-le ! c’est trop ! c’est trop !

Le couvercle de la marmite sauta comme un obus éclate. Une masse grisâtre bondit jusqu’au plafond, puis tourna sur elle-même frénétiquement en poussant d’abominables cris.

On reconnut le chat, tout efflanqué, sans poil, la queue pareille à un cordon ; des yeux énormes lui sortaient de la tête ; ils étaient couleur de lait, comme vidés, et pourtant regardaient.