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Les deux bonshommes se retirèrent en haussant les épaules.

Victor leur demanda pourquoi ils s’étaient fâchés contre Gouy.

— Il abuse de sa force, ce qui est mal.

— Pourquoi est-ce mal ?

Les enfants n’auraient-ils aucune notion du juste ? Peut-être ?

Et le soir même, Pécuchet, ayant Bouvard à sa droite, sous la main quelques notes et en face de lui les deux élèves, commença un cours de morale.

Cette science nous apprend à diriger nos actions.

Elles ont deux motifs, le plaisir, l’intérêt ; et un troisième plus impérieux : le devoir.

Les devoirs se divisent en deux classes :

1° Devoirs envers nous-mêmes, lesquels consistent à soigner notre corps, nous garantir de toute injure. Ils entendaient cela parfaitement ;

2° Devoirs envers les autres, c’est-à-dire être toujours loyal, débonnaire et même fraternel, le genre humain n’étant qu’une seule famille. Souvent une chose nous agrée qui nuit à nos semblables ; l’intérêt diffère du bien, car le bien est de soi-même irréductible. Les enfants ne comprenaient pas. Il remit à la fois prochaine la sanction des devoirs.

Dans tout cela, suivant Bouvard, il n’avait pas défini le bien.

— Comment veux-tu le définir ? On le sent.

Alors les leçons de morale ne conviendraient qu’aux gens moraux, et le cours de Pécuchet n’alla pas plus loin.