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du choix, sans compter À moi d’Auvergne ! et le naufrage du Vengeur.

Victor confondait les hommes, les siècles et les pays. Cependant, Pécuchet n’allait pas le jeter dans des considérations subtiles, et la masse des faits est un vrai labyrinthe.

Il se rabattit sur la nomenclature des rois de France. Victor les oubliait, faute de connaître les dates. Mais si la mnémotechnie de Dumouchel avait été insuffisante pour eux, que serait-ce pour lui ! Conclusion : l’histoire ne peut s’apprendre que par beaucoup de lectures. Il les ferait.

Le dessin est utile dans une foule de circonstances ; or Pécuchet eut l’audace de l’enseigner lui-même, d’après nature, en abordant tout de suite le paysage.

Un libraire de Bayeux lui envoya du papier, du caoutchouc, deux cartons, des crayons et du fixatif pour leurs œuvres qui, sous verre et dans des cadres, orneraient le muséum.

Levés dès l’aurore, ils se mettaient en route avec un morceau de pain dans la poche ; et beaucoup de temps était perdu à chercher un site. Pécuchet voulait à la fois reproduire ce qui se trouvait sous ses pieds, l’extrême horizon et les nuages, mais les lointains dominaient toujours les premiers plans ; la rivière dégringolait du ciel, le berger marchait sur le troupeau, un chien endormi avait l’air de courir. Pour sa part il y renonça, se rappelant avoir lu cette définition : « Le dessin se compose de trois choses : la ligne, le grain, le grainé fin, de plus le trait de force. Mais le trait de force, il n’y a que le maître seul qui le donne. » Il rectifiait la ligne, collaborait au grain, surveillait