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La casquette de Pécuchet posée devant les charbons n’était pas sèche encore. Tout en l’étirant, il sentit quelque chose dans la doublure et une médaille de saint Joseph tomba. Ils furent troublés, le fait leur paraissant inexplicable !

Mme de Noares voulut savoir de Pécuchet s’il n’avait pas éprouvé comme un changement, un bonheur et se trahit par ses questions. Une fois, pendant qu’il jouait au billard, elle lui avait cousu la médaille dans sa casquette.

Évidemment, elle l’aimait ; ils auraient pu se marier : elle était veuve et il ne soupçonna pas cet amour, qui peut-être eût fait le bonheur de sa vie.

Bien qu’il se montrât plus religieux que M. Bouvard, elle l’avait dédié à saint Joseph, dont le secours est excellent pour les conversions.

Personne, comme elle, ne connaissait tous les chapelets et les indulgences qu’ils procurent, l’effet des reliques, les privilèges des eaux saintes. Sa montre était retenue par une chaînette qui avait touché aux liens de saint Pierre.

Parmi ses breloques luisait une perle d’or, à l’imitation de celle qui contient, dans l’église d’Allouagne, une larme de Notre-Seigneur ; un anneau à son petit doigt enfermait des cheveux du curé d’Ars et, comme elle cueillait des simples pour les malades, sa chambre ressemblait à une sacristie et à une officine d’apothicaire.

Son temps se passait à écrire des lettres, à visiter les pauvres, à dissoudre des concubinages, à répandre des photographies du Sacré-Cœur. Un monsieur devait lui envoyer de la « pâte des martyrs », mélange de cire pascale et de poussière