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l’écoutant ; ou bien au bord du lac, parmi les Apôtres qui tirent des filets ; puis sur l’ânesse, dans la clameur des alleluia, la chevelure éventée par les palmes frémissantes ; enfin, au haut de la croix, inclinant sa tête, d’où tombe éternellement une rosée sur le monde. Ce qui les gagna, ce qui les délectait, c’est la tendresse pour les humbles, la défense des pauvres, l’exaltation des opprimés. Et dans ce livre où le ciel se déploie, rien de théologal au milieu de tant de préceptes ; pas un dogme, nulle exigence que la pureté du cœur.

Quant aux miracles, leur raison n’en fut pas surprise ; dès l’enfance, ils les connaissaient. La hauteur de saint Jean ravit Pécuchet et le disposa à mieux comprendre l’Imitation.

Ici plus de paraboles, de fleurs, d’oiseaux ; mais des plaintes, un resserrement de l’âme sur elle-même. Bouvard s’attrista en feuilletant ces pages, qui semblent écrites par un temps de brume, au fond d’un cloître, entre un clocher et un tombeau. Notre vie mortelle y apparaît si lamentable qu’il faut, l’oubliant, se retourner vers Dieu ; et les deux bonshommes, après toutes leurs déceptions, éprouvaient le besoin d’être simples, d’aimer quelque chose, de se reposer l’esprit.

Ils abordèrent l’Ecclésiaste, Isaïe, Jérémie.

Mais la Bible les effrayait avec ses prophètes à voix de lion, le fracas du tonnerre dans les nues, tous les sanglots de la Géhenne, et son Dieu dispersant les empires, comme le vent fait des nuages.

Ils lisaient cela le dimanche, à l’heure des vêpres, pendant que la cloche tintait.