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Alors, ils établirent dans le fournil une bascule brachiale. Sur deux poulies vissées au plafond, passait une corde, tenant une traverse à chaque bout. Sitôt qu’ils l’avaient prise, l’un poussait la terre de ses orteils, l’autre baissait les bras jusqu’au niveau du sol ; le premier, par sa pesanteur, attirait le second qui, lâchant un peu la cordelette, montait à son tour ; en moins de cinq minutes, leurs membres dégouttelaient de sueur.

Pour suivre les prescriptions du manuel, ils tâchèrent de devenir ambidextres, jusqu’à se priver de la main droite, temporairement. Ils firent plus : Amoros indique les pièces de vers qu’il faut chanter dans les manœuvres, et Bouvard et Pécuchet, en marchant, répétaient l’hymne no 9 :

Un roi, un roi juste est un bien sur la terre.

Quand ils se battaient les pectoraux :

Amis, la couronne et la gloire, etc.

Au pas de course :

À nous l’animal timide !
Atteignons le cerf rapide !
Oui ! nous vaincrons !
Courons ! courons ! courons !

Et plus haletants que des chiens, ils s’animaient au bruit de leurs voix.

Un côté de la gymnastique les exaltait : son emploi comme moyen de sauvetage.

Mais il aurait fallu des enfants, pour apprendre à les porter dans des sacs, et ils prièrent le maître d’école de leur en fournir quelques-uns. Petit objecta que les familles se fâcheraient. Ils se rabattirent