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de la claire-voie, l’empreinte d’une semelle, et deux bâtons du treillage étaient rompus. On l’avait escaladé, évidemment.

Il fallait prévenir le garde champêtre.

Comme il n’était pas à la mairie, Pécuchet se rendit chez l’épicier.

Que vit-il dans l’arrière-boutique, à côté de Placquevent, parmi les buveurs ? Gorju ! Gorju nippé comme un bourgeois, et régalant la compagnie.

Cette rencontre était insignifiante.

Bientôt ils arrivèrent à la question du Progrès.

Bouvard n’en doutait pas dans le domaine scientifique. Mais, en littérature, il est moins clair ; et si le bien-être augmente, la splendeur de la vie a disparu.

Pécuchet, pour le convaincre, prit un morceau de papier :

— Je trace obliquement une ligne ondulée. Ceux qui pourraient la parcourir, toutes les fois qu’elle s’abaisse, ne verraient plus l’horizon. Elle se relève pourtant, et malgré ses détours, ils atteindront le sommet. Telle est l’image du Progrès.

Mme Bordin entra.

C’était le 3 décembre 1851. Elle apportait le journal.

Ils lurent bien vite, et côte à côte, l’appel au peuple, la dissolution de la Chambre, l’emprisonnement des députés.

Pécuchet devint blême. Bouvard considérait la veuve.

— Comment ? vous ne dites rien !

— Que voulez-vous que j’y fasse ?