Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/196

Cette page a été validée par deux contributeurs.

lettres, la république chrétienne ? Quoi de plus innocent que l’une, de plus beau que l’autre ? Jésus-Christ formula notre sublime devise ; l’arbre du peuple c’était l’arbre de la croix. Pour que la religion donne ses fruits, elle a besoin de la charité et, au nom de la charité, l’ecclésiastique conjura ses frères de ne commettre aucun désordre, de rentrer chez eux paisiblement.

Puis il aspergea l’arbuste, en implorant la bénédiction de Dieu.

— Qu’il se développe et qu’il nous rappelle l’affranchissement de toute servitude, et cette fraternité plus bienfaisante que l’ombrage de ses rameaux ! Amen !

Des voix répétèrent Amen ! et, après un battement de tambour, le clergé, poussant un Te Deum, reprit le chemin de l’église.

Son intervention avait produit un excellent effet. Les simples y voyaient une promesse de bonheur, les patriotes une déférence, un hommage rendu à leurs principes.

Bouvard et Pécuchet trouvaient qu’on aurait dû les remercier pour leur cadeau, y faire une allusion, tout au moins ; et ils s’en ouvrirent à Faverges et au docteur.

Qu’importaient de pareilles misères ! Vaucorbeil était charmé de la Révolution, le comte aussi. Il exécrait les d’Orléans. On ne les reverrait plus ; bon voyage ! Tout pour le peuple, désormais ! et, suivi de Hurel, son factotum, il alla rejoindre M. le curé.

Foureau marchait la tête basse, entre le notaire et l’aubergiste, vexé par la cérémonie, ayant peur d’une émeute ; et instinctivement il se retournait