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Vaucorbeil répliqua :

— Vous n’êtes donc pas pour l’instruction ?

— Si fait ! Permettez !

— Quand tous les jours, dit Marescot, on attaque le gouvernement !

— Où est le mal ?

Et le gentilhomme et le médecin se mirent à dénigrer Louis-Philippe, rappelant l’affaire Pritchard, les lois de septembre contre la liberté de la presse.

— Et celle du théâtre ! ajouta Pécuchet.

Marescot n’y tenait plus.

— Il va trop loin, votre théâtre !

— Pour cela, je vous l’accorde ! dit le comte, des pièces qui exaltent le suicide !

— Le suicide est beau ! témoin Caton, objecta Pécuchet.

Sans répondre à l’argument, M. de Faverges stigmatisa ces œuvres où l’on bafoue les choses les plus saintes, la famille, la propriété, le mariage !

— Eh bien, et Molière ? dit Bouvard.

Marescot, homme de goût, riposta que Molière ne passerait plus, et d’ailleurs était un peu surfait.

— Enfin, dit le comte, Victor Hugo a été sans pitié, oui sans pitié, pour Marie-Antoinette, en traînant sur la claie le type de la reine dans le personnage de Marie Tudor !

— Comment ! s’écria Bouvard, moi, auteur, je n’ai pas le droit …

— Non, monsieur, vous n’avez pas le droit de nous montrer le crime sans mettre à côté un correctif, sans nous offrir une leçon.

Vaucorbeil trouvait aussi que l’art devait avoir un but : viser à l’amélioration des masses !