Page:Flaubert - Bouvard et Pécuchet, éd. Conard, 1910.djvu/186

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Au bout de la semaine, ils imaginèrent de fondre ces deux sujets en un seul, en demeurèrent là, passèrent aux suivants : Une femme qui cause le malheur d’une famille ; une femme, son mari et son amant ; une femme qui serait vertueuse par défaut de conformation ; un ambitieux, un mauvais prêtre.

Ils tâchaient de relier à ces conceptions incertaines des choses fournies par leur mémoire, retranchaient, ajoutaient.

Pécuchet était pour le sentiment et l’idée, Bouvard pour l’image et la couleur ; et ils commençaient à ne plus s’entendre, chacun s’étonnant que l’autre fût si borné.

La science qu’on nomme esthétique trancherait peut-être leurs différends. Un ami de Dumouchel, professeur de philosophie, leur envoya une liste d’ouvrages sur la matière. Ils travaillaient à part, et se communiquaient leurs réflexions.

D’abord qu’est-ce que le beau ?

Pour Schelling, c’est l’infini s’exprimant par le fini ; pour Reid, une qualité occulte ; pour Jouffroy, un trait indécomposable ; pour De Maistre, ce qui plaît à la vertu ; pour le P. André, ce qui convient à la raison.

Et il existe plusieurs sortes de Beau : un beau dans les sciences, la géométrie est belle ; un beau dans les mœurs, on ne peut nier que la mort de Socrate ne soit belle. Un beau dans le règne animal : la beauté du chien consiste dans son odorat. Un cochon ne saurait être beau, vu ses habitudes immondes ; un serpent non plus, car il éveille en nous des idées de bassesse.

Les fleurs, les papillons, les oiseaux peuvent